Deux ans de prison ferme pour le père, 18 mois ferme pour la mère. La cour d’assises de la Nièvre a condamné vendredi les parents de quatre jeunes filles excisées. Des condamnations bien en deçà des six et huit ans de prison ferme requis par l’avocat général à l’encontre de ce couple d’origine guinéenne, poursuivi pour « complicité de violence volontaire ayant entraîné une mutilation sur une mineure de moins de 15 ans par un ascendant » et qui encourait 20 ans de réclusion.
La prison ferme pour donner du « sens » à la condamnation
Durant son réquisitoire, l’avocat général Axel Schneider avait estimé plus tôt dans la journée qu' »une condamnation qui ne serait pas assortie d’une peine ferme » n’aurait « aucun sens ». « Je ne réclame pas un symbole » mais « le risque existe encore » pour la plus jeune des filles, victime d’un début d’excision en 2009, a-t-il expliqué. Reconnaissant qu’il était « très difficile » de se prononcer sur une peine, le représentant du ministère public a néanmoins relevé le caractère « historique » de ce procès.
« Si je ne suis pas l’avocat de l’excision, vous n’êtes pas les juges de l’excision », a plaidé pour sa part l’avocat des parents, Me Guillaume Valat. « L’excision ne va pas s’arrêter avec ce procès », a-t-il lancé aux jurés.
« Pour que la peine ait un sens, il faut que ce procès ne soit pas une fin mais un début. Vous ne devez pas les exclure de notre société », a conclu Me Valat, non sans avoir souligné que si les parents étaient envoyés en prison les deux mineures seraient placées dans un foyer.
Un peu plus tôt, Me Linda Weil-Curiel, avocate de la Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles (Cams), qui s’est constituée partie civile, s’est interrogée : « les parents pouvaient-ils légitimement ignorer que l’excision était interdite en France ? ».
« Au nom de quoi, les parents ont pu s’approprier une partie de leurs enfants ? », s’est demandé pour sa part l’avocate des deux cadettes de 11 et 13 ans, Me Nathalie Bouvier-Longeville. Les deux aînées de 18 et 20 ans n’ont pas renouvelé leur constitution de partie civile à leur majorité. « Ça paraît insupportable que des parents aimants aient pu faire ça. Car ce sont des parents aimants, pas des monstres », a-t-elle ajouté, pointant du doigt le « conflit de loyauté » auquel étaient confrontées leurs quatre filles.
Les parents expriment des regrets
Mardi, les deux aînées avaient défendu leurs parents, la plus âgée disant même « ne pas comprendre pourquoi (ils) se retrouvaient au tribunal ». Assises en rang au fond de la salle, elles ont suivi attentivement le dernier jour du procès, grignotant de temps à autre un paquet de gâteaux. A l’annonce du verdict, elles se sont effondrées en pleurs. Les parents sont, eux, restés stoïques.
Auparavant, entre deux sanglots, la mère avait dit regretter ce qui s’était passé. « Aujourd’hui, je serais moins passive. L’excision ce n’est pas bien ». « Ce qui m’importe plus que tout c’est l’état de ma famille. Plus que ma propre maladie. Je m’excuse pour ce qui s’est passé« , avait dit de son côté le père, ancien marabout victime d’un accident vasculaire cérébral en 2003.
L’excision, une coutume ancestrale en Afrique, continue d’être pratiquée malgré d’importantes campagnes de sensibilisation et des lois de plus en plus répressives. Cette mutilation traditionnelle des filles consiste en une ablation totale ou partielle du clitoris, des petites et parfois des grandes lèvres à l’entrée du vagin.